Marcher sur le toit de Madère : le Pico Ruivo sans difficulté
Il est des sommets que l’on grimpe pour le défi. D’autres, comme le Pico Ruivo, se méritent sans pour autant exiger l’exploit. Là, au-dessus des nuages, perché à 1862 mètres, il est facile de comprendre pourquoi ce sommet est si cher au cœur des Madériens. Bonne nouvelle pour ceux dont les jambes frémissent à l’idée d’une ascension interminable : il existe un chemin accessible pour approcher cette cime en toute sérénité.
J’ai foulé ce sentier un matin brumeux, alors que les premières lueurs du soleil transperçaient timidement l’océan de nuages. Ce moment suspendu entre terre et ciel, je m’en souviens comme d’un murmure gravé dans la roche. Et j’ai envie de vous y emmener, pas à pas, sur ce chemin où l’effort devient plaisir, où chaque virage révèle un paysage d’une beauté à couper le souffle.
Pourquoi choisir le Pico Ruivo ?
Parce que c’est le sommet le plus élevé de l’île. Certains auront même envie de cocher cette étape simplement pour cette raison. Mais réduire le Pico Ruivo à une altitude serait passer à côté de l’essentiel : c’est un condensé de tout ce que Madère a à offrir. Des crêtes acérées, des nuages en perpétuel mouvement, une végétation surprenante, et cette lumière, unique, qui glisse sur les flancs volcaniques.
Accessible sans trop d’effort depuis Achada do Teixeira, cette randonnée est devenue l’itinéraire privilégié des amoureux de la nature qui cherchent plus la contemplation que la performance. L’idéal pour les familles, les voyageurs curieux ou simplement ceux dont les genoux grincent à l’idée d’un trek éprouvant.
Départ tout en douceur : Achada do Teixeira
Le point de départ est aussi charmant que pratique. Achada do Teixeira se situe à 1592 mètres d’altitude, ce qui signifie que l’ascension vers le sommet ne représente qu’un peu moins de 300 mètres de dénivelé positif. Autant dire que c’est presque une promenade céleste.
Un parking est disponible juste au départ du sentier. Si vous partez tôt, vous aurez la chance d’assister au lever du soleil — un spectacle qui, à lui seul, justifie le réveil matinal. À votre gauche, la silhouette du Pico das Torres émerge, tandis qu’à droite, la mer de nuages ondoie comme une mer intérieure. Le tracé est bien balisé, large, et relativement stable. Il serpente le long des crêtes, offrant des panoramas grandioses sans jamais être vertigineux.
Itinéraire et durée
Comptez environ 1 heure à 1h30 de marche (aller) pour atteindre le sommet depuis Achada do Teixeira. La distance aller-retour est d’environ 6 kilomètres. L’effort est modéré, avec quelques passages en escaliers ou plus caillouteux, mais rien d’insurmontable.
Voici ce que réserve le parcours :
- Départ à Achada do Teixeira : Panneaux d’information, parking et aire de pique-nique. Le sentier commence en douceur, à travers une lande de bruyères et de lauriers endémiques.
- Traversée rocheuse : Quelques marches, parfois glissantes en hiver ou après la pluie. Des bâtons de marche peuvent être utiles.
- Refuge du Pico Ruivo : Une petite bâtisse rustique, parfaite pour une pause. Table de pique-nique, toilettes (souvent fermées toutefois) et vue imprenable garantis.
- Dernier tronçon jusqu’au sommet : Un escalier raide mais court, qui mène au point culminant de l’île. Panorama à 360°, du Pico do Arieiro à l’océan Atlantique.
Aucune difficulté technique ne vient entraver la progression. Même les randonneurs novices y trouveront leur compte. Côté météo, attention cependant : à cette altitude, les conditions changent vite. Une doudoune légère, une casquette, et un imperméable ne sont jamais de trop.
Un monde entre mer et ciel
Si vous êtes chanceux, vous verrez le sommet émerger d’une mer de nuages, comme une île flottant dans les airs. C’est une des magies de Madère : l’île joue avec ses reliefs et les éléments. Parfois, le vent chasse les brumes, dévoilant des falaises ocres et des vallées profondes. D’autres fois, le brouillard engloutit tout, et l’on croit marcher dans un rêve.
Lors de ma dernière ascension, j’ai croisé un vieux randonneur portugais, qui m’a dit, en souriant : « On ne grimpe pas le Pico Ruivo pour dominer, mais pour se rappeler qu’on fait partie de l’île. » Ses mots m’accompagnent encore aujourd’hui.
Quand partir pour profiter au mieux ?
Le sentier est accessible toute l’année, mais l’automne et le printemps offrent sûrement les meilleures conditions. En été, les températures peuvent grimper rapidement, même là-haut, tandis que l’hiver apporte parfois neige et verglas. Mais même sous la pluie, l’expérience vaut le détour.
Le départ tôt le matin est idéal. Non seulement pour éviter la foule — car ce sentier est populaire — mais surtout pour profiter des lumières rasantes qui transforment les montagnes en sculptures vivantes.
Petits conseils pratiques
- Vérifiez la météo avant de partir. Le site météo IPMA (Instituto Português do Mar e da Atmosfera) donne des infos fiables pour les zones montagneuses.
- Prévoyez de l’eau et quelques encas énergétiques, surtout si vous comptez pique-niquer au sommet.
- Habillez-vous en couches : en partant du parking, il peut faire frais, mais en plein soleil, l’effort fait rapidement monter la température.
- Évitez de marcher en tongues… Eh oui, j’ai vu des couples tenter le parcours en sandales. Spoiler : ils ont rebroussé chemin au bout de 500 mètres.
Une alternative pour les plus aguerris :
Si cette expérience vous laisse sur votre faim et que votre corps réclame plus d’aventure, sachez qu’il est possible de relier le Pico Ruivo au Pico do Arieiro par un sentier spectaculaire. Mais attention : ce parcours est exigeant, avec des tunnels, des escaliers abrupts, et des sections plus techniques. Si vous aimez la sueur et les vues à couper le souffle, mettez-le sur votre liste. Pour les autres, l’itinéraire depuis Achada do Teixeira reste une option douce et poétique vers les hauteurs.
Et après l’effort ?
Retour au point de départ par le même sentier. Sur le chemin, prenez le temps de remarquer les détails : un lézard étendu sur une pierre chaude, la mousse aux reflets dorés, ou le chant lointain d’un oiseau endémique.
Une fois revenu au parking, vous pouvez prolonger la magie avec un détour par Santana, célèbre pour ses maisons traditionnelles aux toits de chaume. Un verre de poncha — ce nectar local à base de miel, citron et d’eau-de-vie — vous récompensera courageusement de vos efforts.
Marcher jusqu’au Pico Ruivo, ce n’est pas simplement atteindre un sommet géographique. C’est une manière d’appréhender l’île depuis son point le plus élevé, de toucher du doigt l’essence même de Madère : sauvage, changeante, envoûtante. Alors, prêt à faire ce pas, là-haut, où le silence vous parle plus fort que mille mots ?
